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Ecologie, épidémiologie

- Conservation, sources de virus

Le virus des feuilles jaunes en cuillère de la tomate (Tomato yellow leaf curl virus, TYLCV) est capable de se maintenir sur une gamme d'hôtes plus diversifiée que ne laissaient entrevoir les premières études portant sur ce virus. Il infecte de façon certaine surtout la tomate, ainsi que quelques autres solanacées cultivées ou non : tabac, plus sporadiquement poivron, Datura stramonium et Solanum nigrum. D'autres espèces appartenant à des familles botaniques différentes ont été répertoriées comme hôtes naturels potentiels : haricot, Eustoma grandiflorum (syn. Lisianthus russelianus), Malva parviflora, M. nicaensis, Cynanchum acutum, Euphorbia pulcherrima, E. heterophylla, Dittrichia viscosa (syn. Innula viscosa), Nicandra physaloides, Achyranthes aspera.

Par exemple, au Liban, en plus du haricot et de l'aubergine (immune selon certains auteurs), Amaranthus sp., Sonchus oleraceus, Plantago sp. et Mercurialis annua joueraient le rôle de réservoir à TYLCV. Dans le sud de l'Espagne, Datura stramonium, Solanum nigrum, S. luteum et Mercurialis ambigua présentent des feuilles en cuillères assez caractéristiques d'une infection par le TYLCV. En Espagne, le TYLCV a remplacé progressivement le TYLCSV au cours des années 1996-1998. Il y est d'ailleurs plus efficacement transmis par les biotypes locaux de Bemisia tabaci. Toujours en Espagne, 4 nouvelles plantes porteurs sains ont été plus récemment identifiées : Chenopodium murale, Convolvulus sp., Cuscuta sp. et Conyza sumatrensis.

Signalons que le TYLCV peut être transmis expérimentalement, par greffage ou via B. tabaci, à plusieurs dizaines d'hôtes appartenant à des familles botaniques bien différentes.


- Transmission, dissémination

Comme nous l'avons déjà signalé, le TYLCV est transmis exclusivement par Bemisia tabaci, une aleurode également appelée « mouche blanche » du coton, du tabac, de la patate douce ou de l'argenture des feuilles.

Bemisia tabaci est un insecte polyphage très répandu dans toutes les zones tropicales et subtropicales. Au cours de la dernière décennie, il a sensiblement progressé en direction des zones plus tempérées. Il est maintenant signalé dans des pays beaucoup plus septentrionaux tels que les Pays-Bas, l'Allemagne, le Danemark et la Suède, mais exclusivement sous abri. En Italie et en Espagne, il est également observé en plein champ. C'est en 1981 que B. tabaci a été identifié pour la première fois en France. Il est actuellement plutôt bien implanté sur différentes espèces végétales cultivées en serre, même si on le retrouve à proximité de cultures sous abri dans le sud de la France en période estivale. D'une manière générale, les populations de B. tabaci sont réduites au printemps et au début de l'été ; l'incidence du TYLCV est donc négligeable sur les cultures précoces de plein champ. Les populations augmentent rapidement à la fin de l'été, et les attaques de TYLCV sont très graves à l'automne.

Plusieurs biotypes de Bemisia tabaci ont été décrits ; ils ne peuvent être identifiés qu'en laboratoire, grâce à la caractérisation de leurs profils enzymatiques, mais aussi maintenant par des techniques de biologie moléculaire. Ces biotypes diffèrent aussi par certaines de leurs propriétés biologiques, notamment par leur capacité à plus ou moins bien transmettre les différentes souches de TYLCV. Le biotype B, également appelé « Bemisia argentifolii », a largement contribué à l'extension du virus. Il se caractérise par une fécondité et une polyphagie très supérieures à celles des autres biotypes. Il est aussi souvent plus performant pour transmettre le TYLCV. D'autres biotypes assurent cette fonction, souvent moins efficacement : le biotype Q, natif des régions méditerranéennes, le biotype IC de Côte-d'Ivoire. Rappelons que le biotype B est plus adapté à transmettre le TYLCV que le biotype d'Asie, plus adapté à la transmission du ToLCV. De récents travaux ont montré qu'on retrouvait les biotypes B et Q en France, comme dans de nombreux pays méditerranéens (Italie, Espagne, îles Canaries, Maroc). De plus, le Biotype Q serait plus fréquent. Sa prédominance serait expliquée par une plus grande tolérance aux insecticides et aux températures extrêmes (froides ou chaudes). Ses propriétés biologiques devraient permettre à B. tabaci de se maintenir plus facilement dans des régions considérées jusqu'à présent à la limite de sa zone d'extension.

Le TYLCV est transmis selon le mode persistant circulant. L'acquisition ou la transmission des particules virales s'effectue au cours de piqûres d'alimentation prolongées localisées dans les vaisseaux du phloème. La période d'acquisition peut varier de 10 à 20 minutes au minimum à quelques heures, voire 1 ou 2 jours. Les nymphes sont aussi efficaces que les adultes pour acquérir le TYLCV.

Une fois absorbés, les particules réalisent un cycle dans le corps de l'insecte avant de pouvoir être à nouveau transmis : on parle de « virus circulant ». Ils passent par le tube digestif, la cavité générale, pour se concentrer dans les glandes salivaires. La période de latence ne dure que quelques heures (8 à 24 heures), l'aleurode est ensuite capable de transmettre le virus. Le virus peut être transmis après un temps d'inoculation minimal de 15 à 30 minutes ; il est optimal si le « repas » de l'aleurode dure 6 heures. Les symptômes apparaîtront sur les plantes au moins 2 à 3 semaines après les premières infections.

Sur tomate, les aleurodes occasionnent divers symptômes que vous pouvez consulter par ce lien. Vous y trouverez aussi d'autres informations sur la biologie de ces insectes.

Une fois virulifères, les aleurodes le resteront plusieurs jours (période de rétention), voire toute leur vie (35 à 40 jours) selon les auteurs. Notons que les particules virales sont retenues après la mue, et transmises à la descendance. Il a récemment été mis en évidence que le TYLCV était transmis par voie transovarienne à la descendance de son vecteur sur au moins deux générations. Cette situation a certainement des répercussions épidémiologiques non négligeables.

Ajoutons que les larves étant quasiment immobiles, ce sont essentiellement les adultes qui assurent la dissémination du TYLCV. De plus, les femelles semblent être des vecteurs plus efficaces que les mâles.

Enfin, le TYLCV n'est pas transmis par contact entre plantes, ni par inoculation mécanique expérimentale. Aucune transmission par la graine n'a non plus été constatée. Signalons que les fruits de tomate fortement infectés par le TYLCV, importés de pays affectés par la maladie des feuilles jaunes en cuillère, seraient susceptibles de permettre à Bemisia tabaci d'acquérir des particules virales et de les transmettre à des plantes saines.

Dernière modification : 30/11/2023
  • Auteurs :
  • D Blancard (INRAe)
  • G Marchoux (INRA)