Phytotoxicités

Parmi les pesticides utilisés en agriculture, bon nombre d'entre eux peuvent être à l'origine de phytotoxicités sur vigne. Si des dégâts plus ou moins importants sont parfois associés à l'emploi d'insecticides ou de fongicides sur-dosés ou utilisés en mélange, ce sont ceux occasionnés par les herbicides qui sont les plus fréquents et les plus dommageables. Tous les organes de la vigne peuvent être affectés, mais c'est sur feuilles que l'on observe la grande majorité des symptômes.

Symptômes foliaires

  • Anomalies de croissance et de forme des feuilles (figures de 1 à 4)
    • développement ralenti des plus jeunes feuilles qui sont particulièrement sensibles (figures 1 et 2) ; dans certains cas, leur croissance est totalement bloquée. Dans ces conditions, les plantes présentent à terme un aspect rabougri surtout si la phytotoxicité est survenue prématurément ;
    • des feuilles partiellement ou totalement déformées, légèrement dentelées ou plus irrégulièrement découpées ou criblées, marbrées, cloquées (figures 2 à 4) et plus ou moins enroulées (glyphosate, 2,4-D) ;
    • une modification plus ou moins importante du port des plantes, associée à une réduction, voire un arrêt total de la croissance des pousses.
  • Anomalies de coloration des feuilles (figures 5 à 12)
    • teinte verdâtre à livide des folioles, jaunissement, blanchiment, anthocyanisation, aspect terne et/ou bronzé du limbe, etc. (glyphosate) ;
    • anomalie de coloration ayant une intensité et une répartition différentes sur les feuilles - en taches, en plages inter-nervaires plus ou moins bien délimitées (simazine), évoluant parfois vers la nécrose des tissus, affectant les nervures (diuron) - (figures de 5 à 7) ou se développant entre ces dernières, se généralisant au limbe, touchant les feuilles de l'apex ou les plus basses sur les pousse.
  • Mais aussi des nécroses et des dessèchements foliaires, ainsi que des lésions plus ou moins localisées et nécrotiques

 

Symptômes sur les autres organes

  • Les autres organes de la vigne sont également sensibles, en particulier les jeunes baies qui seront parfois superficiellement liégeuses, craquelées, voire éclatées.

Rappelons que l'utilisation d'un herbicide sur une parcelle de vigne ou à proximité n'est pas une opération totalement anodine. Les risques de provoquer une phytotoxicité ne sont jamais totalement écartés. D'autres pesticides, par exemple des insecticides, des fongicides, utilisés seuls ou en mélange, des substances comme des régulateurs de croissance, des engrais, peuvent aussi être à l'origine de phytotoxicités sur cette plante. Ils peuvent provoquer de la même manière des décolorations et des déformations foliaires notamment.


Deux phytotoxicités assez classiques sur vigne

  • Soufre : brûlures foliaires à des températures supérieures à 32 °C. Sur les jeunes feuilles, des zones inter-nervaires jaunissent,  brunissent et meurent. Des lésions superficielles brunes à noires, plus ou moins subérisées se forment sur les fruits. A terme, les baies  peuvent se fendre lorsqu'elles grossissent.
  • Cuivre : multitudes de petites lésions brunâtres sur les feuilles et les baies à la suite de périodes froides et humides (figure 12).
 

Quelques conseils pour identifier une phytotoxicité

L'origine d'une phytotoxicité est assez difficile à déterminer. En effet, bien souvent le producteur réfute la possibilité d'avoir effectué une erreur ou subi un préjudice, à l'origine des dégâts. L'étude de la répartition spatiotemporelle des symptômes induits par cette phytotoxicité permet, dans la majorité des cas, d'en confirmer la cause. 

  • Répartition dans l'espace des symptômes

La répartition des plantes ayant subi une phytotoxicité peut varier en fonction de la composition du composé phytotoxique, de son mode d'apport et de sa localisation sur la plante.
- Si le composé phytotoxique est apporté au niveau du feuillage (herbicide foliaire, insecticide ou fongicide surdosés ou appliqués dans de mauvaises conditions...), la répartition des symptômes et/ou des plantes malades pourra être : généralisée et homogène ; en début de ligne ; sur une face des plantes.
- Si le composé est présent dans le sol sous la forme de résidus (herbicide racinaire..), la répartition des plantes affectées sera : généralisée et plus ou moins homogène ; répartie au hasard sur l'ensemble de la parcelle.

  • Répartition dans le temps des symptômes

Le délai entre l'apport du produit à l'origine de la phytotoxicité et l'apparition des premiers symptômes peut être variable :
- très court (la relation de cause à effet est rapide), immédiatement après l'application d'un pesticide sur la culture ou à proximité (sous la forme d'embruns) ;
- assez long dans le cas, par exemple, d'un mauvais précédent cultural (précédente culture annuelle ou pérenne, désherbée par un herbicide rémanent ou mal lessivé à la suite d'un hiver sec ; culture pérenne désherbée pendant plusieurs années (cette situation conduisant à une accumulation de produit dans le sol) ou à la suite d'apport d'un fumier constitué à partir de paille provenant d'une culture de céréale désherbée.
Signalons que des différences de sensibilité peuvent exister entre cépages de vigne. Par ailleurs, nous vous conseillons aussi de regarder toutes les mauvaises herbes encore présentes dans la culture ou d'autres plantes cultivées à proximité qui ont pu subir la même phytotoxicité et donc exprimer les mêmes symptômes. Si c'est le cas, cela confirme en partie l'hypothèse d'une maladie non parasitaire, et probablement celle d'une phytotoxicité.

  • Si vous suspectez une phytotoxicité poser les questions suivantes :

- la précédente culture n'a-t-elle pas été désherbée avec des herbicides rémanents ?
- des traitements herbicides ont-ils été réalisés à proximité de votre culture ?
- avez-vous bien rincé votre matériel de traitement ?
- entretenez-vous bien votre matériel de pulvérisation (nettoyage, calibrage...) ?
- avez-vous utilisé le bon produit, à la bonne dose ?
- ne l'avez-vous pas utilisé trop fréquemment (effet cumulatif) ?
- avez-vous respecté les recommandations d'utilisation indiquées sur l'emballage ?
- est ce que le traitement a eu lieu dans des conditions climatiques particulières (températures trop élevées, stress divers) ?
- n'avez-vous pas mélangé des produits incompatibles ou trop de produits ? (certains mélanges sont susceptibles d'occasionner des taches plus ou moins nécrotiques sur la végétation, mais aussi sur les jeunes baies)
- les applications n'ont-elles pas eu lieu dans de mauvaises conditions (vent fort, températures trop basses ou trop élevées) ?

Lors de l'application de pesticides sur vigne, il arrive parfois que les pressions mises en oeuvre pour pulvériser ces derniers soient momentanément trop importantes. Les jeunes et tendres folioles ayant subi de telles pressions peuvent se retrouver plus ou moins criblées, voire déchiquetées.

  • Que faire à la suite d'une phytotoxicité ?

Bien qu'il n'existe pas de solution miracle dans cette situation, vous pouvez toujours adopter les mesures suivantes :
- bien définir l'origine de la phytotoxicité ;
- empêcher qu'elle ne se manifeste une nouvelle fois ;
- conduire les plantes normalement et observer l'évolution des symptômes qui ne sera pas fatale dans tous les cas.

En fait, cela dépendra surtout de la nature, de la dose et de la rémanence du ou des produits en cause, du stade de croissance des plantes, du cépage. Certains espoirs sont donc permis. Aucune autre mesure spécifique ne peut être recommandée.

Dernière modification : 01/12/2023
  • Auteurs :
  • D Blancard (INRAe)
  • C Deluche (INRA)
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