Rappel sur la notion de « dose de produit phytopharmaceutique »
Il faut distinguer deux notions : le volume de bouillie (mélange, généralement dans l’eau, qui sert de vecteur, d’une préparation phytopharmaceutique destinée à être appliquée par pulvérisation, arrosage ou trempage) qui a pour but d’assurer une bonne répartition du produit phytopharmaceutique (mouillage, proportion de la surface des organes recouverte par le produit…) et la dose qui correspond à la quantité (masse ou volume) de produit ou de substance active appliqué par unité de surface (dose/hectare) ou par hectolitre de bouillie (dose/hectolitre). La dose d’emploi doit être conforme à la réglementation (autorisation de mise sur le marché, AMM), qui définit une dose homologuée maximale à ne pas dépasser pour l’usage donné (couple culture ´ bio-agresseur, complété éventuellement par des précisions sur le mode ou le champ d’application).
En arboriculture, la dose d’un produit phytopharmaceutique est historiquement exprimée en dose/hectolitre pour les produits de traitements des parties aériennes, avec une généralisation progressive à une expression en dose maximale/hectare à ne pas dépasser. Cette spécificité propre aux plantes pérennes a pour objectif de permettre une modulation de la dose/hectare en fonction du volume de végétation des arbres, dans la limite de la dose maximale/hectare autorisée qui est indiquée sur l’étiquette du produit.
Des surfaces foliaires/hectare différentes selon les vergers
L’intérêt d’une dose/hectolitre est de pouvoir adapter la dose à apporter à l’hectare en fonction du type de verger. En effet, les arbres peuvent avoir des volumes de végétation et des surfaces foliaires très différents en fonction de leur gabarit qui dépend de leur âge, du mode de conduite, du porte-greffe, des distances de plantation et de l’itinéraire cultural. La surface foliaire évolue également dans la saison, sur une même parcelle, entre le débourrement et la pleine feuillaison. Pour la quasi-totalité des produits phytopharmaceutiques, c’est la dose par centimètre carré de feuillage (ou de fruit) qui fait l’efficacité.
La dose à appliquer par hectare devra être modulée, dans le respect de la réglementation, en fonction du gabarit du verger, de son stade végétatif et de sa surface foliaire, au risque sinon de sous-doser les produits dans les vergers de fort volume et de les sur-doser dans les vergers de faible volume.
Notion de « point de ruissellement » ou de « goutte pendante » (volume normal)
Historiquement, les pulvérisations se faisaient à la lance en balayant la végétation, jusqu’à la limite du ruissellement. On recouvrait ainsi totalement le végétal avec la bouillie, sans déperdition. La quantité de bouillie effectivement pulvérisée à l’hectare, et par conséquent la dose de produit phytosanitaire, dépendait donc bien de la surface foliaire et du volume de végétation. En pulvérisation à volume normal sur des vergers avec des arbres de grande dimension (plus de 3,50 m de hauteur), le volume de bouillie pour atteindre le point de ruissellement peut correspondre à 1500-2000 l/ha. Par contre, en vergers piétons (hauteur de 2 à 2,5 m), le point de ruissellement est souvent atteint avec un volume de 1 000 l/ha. Ce volume est donc devenu, pour de nombreuses espèces et types de verger, le volume de référence usuel pour déterminer la dose/hectare de substance active.
Ainsi, un peu arbitrairement, la dose/hectare correspondait pour la majorité des vergers à la dose/hectolitre multipliée par 10, c'est-à-dire calculée sur une base d’un traitement à 1 000 l/ha de bouillie. Exemple : pour un produit homologué à 0,100 kg/hl avec un volume de 1 000 l, la dose/hectare est égale à 1 kg de produit commercial. Mais pour un verger de gros gabarit où le volume « point de ruissellement » est par exemple de 1 500 l/ha, un produit à 0,100 kg/hl est théoriquement appliqué à 1,5 kg/ha (tableau 1) si la dose maximum de l’AMM le permet.
Le volume réduit
Avec l’amélioration des performances du matériel de pulvérisation, il est possible d’obtenir une bonne homogénéité de la répartition des produits pulvérisés au sein de la frondaison avec un volume de bouillie inférieur à celui correspondant au point de ruissellement. Dans ce cas, le volume de bouillie pulvérisé ne dépend plus de la surface foliaire du verger, mais du type et de la performance du matériel de pulvérisation utilisé. L’objectif de la pulvérisation reste toutefois le même qu’en volume normal : recouvrir l’ensemble du végétal de façon homogène avec la substance active. Selon les régions et les espèces, les volumes de bouillie effectivement pulvérisés pour le pommier en axe varient le plus souvent de 200 l à 800 l/ha.
Se pose alors la question de la dose/hectare de produit phytosanitaire. En toute logique, pour un même verger, cette dose/hectare doit être la même, quel que soit le volume de bouillie utilisé, l’eau n’étant qu’un vecteur.
En pulvérisation à volume réduit, la dose/hectare correspond donc à la dose/hectolitre multipliée par le nombre d’hectolitres estimés nécessaires pour arriver au point de ruissellement sur ce type de verger. Par simplification et convention, cette dose/hectare est souvent calculée sur la base d’un volume de bouillie de 1 000 l/ha (soit dose/hectolitre x 10).
Le calcul de la dose/hectare pour l’adapter au volume foliaire
Lors de l’autorisation de la mise sur le marché, les doses sont aujourd’hui données soit par hectare soit par hectolitre (calculées sur une base d’un traitement de 1 000 litres de bouillie/hectare), mais avec une dose maximale à ne pas dépasser par hectare.
Pour augmenter l’efficience d’utilisation des produits phytopharmaceutiques, il serait nécessaire de déterminer précisément le volume de surface foliaire à traiter à l’instant t, afin d’apporter juste ce qui est nécessaire pour garantir une efficacité optimale par rapport aux bio-agresseurs.
Pour cela, il serait souhaitable de disposer d’une méthode à la fois simple d’utilisation et fiable pour réaliser cette adaptation, comme c’est le cas dans de nombreux pays ; ces méthodes consistent généralement à évaluer la surface foliaire du verger à partir de mesures simples comme la hauteur de frondaison, l’épaisseur des arbres, la largeur entre rangs.
Au niveau de l’Union européenne, c’est la méthode LWA (leaf wall area, en français « surface de haie foliaire ») qui devrait être adoptée dans les années à venir. Le verger en haie fruitière est considéré comme un mur dont on calcule la surface de la façon suivante : (hauteur de la haie x 10 000)/largeur entre rang) x 2. La dose de produit serait exprimée par mètre carré de LWA avec une dose maximale à ne pas dépasser.
Le tableau 1 présente un exemple de détermination de la dose/hectare d’un produit phytopharmaceutique (produit ayant une dose autorisée de 0,100 kg/hl pour l’espèce et l’usage considéré, avec une dose maximale à ne pas dépasser de 1,3 kg/ha). Trois dimensions de vergers sont prises comme exemple afin d’illustrer le volume de bouillie permettant d’atteindre le point de ruissellement.
Dans le cas du verger 1, l’adaptation de la dose au volume de surface foliaire permet de réduire la quantité de produit appliquée par hectare par rapport à la dose usuelle calculée sur la base de 1 000 l/ha de bouillie (cas du verger 2). Pour les vergers 3 et 4, la surface foliaire étant élevée, la dose/hectare théorique dépasse la dose calculée sur la base de 1 000 l/ha de bouillie, mais reste plafonnée à la dose AMM maximale à ne pas dépasser. L’exemple illustre également que l’utilisation d’un volume de bouillie réduit ne modifie pas la dose/hectare : la concentration de la bouillie sera alors augmentée pour appliquer cette dose/hectare dans le volume réduit utilisé.
Tableau 1 : Détermination de la dose / hectare
Verger |
Volume de bouillie permettant d’atteindre le point de ruissellement (volume normal/hectare) |
Volume de bouillie réellement utilisé/hectare dans le cadre d’un volume réduit |
Coefficient multiplicateur correspondant au volume de végétation du verger 1 |
Dose/hectare 3 |
Verger 1 |
700 l |
400 l |
7 |
0,700 kg/ha |
Verger 2 |
1000 l |
400 l |
10 |
1,000 kg/ha |
Verger 3 |
1200 l |
400 l |
12 |
1,200 kg/ha |
Verger 4 |
1500 l |
400 l |
13 2 |
1,300 kg/ha 3 |
1 Le coefficient multiplicateur permet de calculer la dose/hectare en fonction de la dose/hectolitre et du volume de bouillie permettant d’atteindre le point de ruissellement. Ce coefficient est égal au volume de bouillie permettant d’atteindre le point de ruissellement divisé par 100, dans la limite de ne pas dépasser la dose maximale autorisée.
2 Si le coefficient calculé entraîne une dose/hectare supérieure à la dose maximale autorisée, alors le coefficient est égal à la dose/hectare maximale autorisée divisée par 100.
3 Si la dose/hectare calculée est supérieure à la dose maximale autorisée alors la dose/hectare est égale à la dose maximale autorisée.
Cette technique permet, sur des jeunes vergers, des économies substantielles de produits phytopharmaceutiques. Il est cependant important de signaler que cette méthode d’adaptation de la dose au volume de végétation nécessite d’être expérimentée dans des conditions très diversifiées (conditions climatiques, types de pulvérisateur, stades phénologiques des arbres et des bio-agresseurs…) afin de garantir le maintien de l’efficacité des produits phytopharmaceutiques et d’évaluer les risques d’induire plus fréquemment des phénomènes de résistance des bio-agresseurs aux produits phytopharmaceutiques avec l’utilisation de doses réduites.