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Désordres nutritionnels

Comme de nombreuses plantes cultivées, le tabac a besoin d'éléments minéraux variés pour assurer sa croissance et permettre d'obtenir des feuilles de qualité. Sa fertilisation est assez complexe, car elle est notamment influencée :
- par la richesse et l'équilibre du sol en éléments fertilisants (des analyses de sol sont donc indispensables) ;
- par le type de tabac cultivé et la variété choisie ;
- par l'emploi ou non d'une irrigation complémentaire et par le lessivage qui en découle ;
- par la densité de plantation ;
- et par tout autre facteur perturbant la croissance des plantes.

Face à cette situation, il n'est pas rare de rencontrer sur le terrain des plantes souffrant de carences ou d'un excès, maladies non parasitaires que nous avons regroupées sous la terminologie de désordres nutritionnels. Ces derniers se manifestent assez fréquemment par des jaunissements de nature et de répartition variables sur les plantes (figures 1 et 2). Nous avons décrit dans les deux thèmes suivants, les principales carences rencontrées, les symptômes qu'elles induisent et les fonctions physiologiques qu'elles perturbent chez le tabac. Lorsque l'on parle de carence, on a souvent tendance à associer les carences vraies aux carences induites.

Les carences vraies (élément en trop faible quantité dans le sol) sont de plus en plus rares ; leur diagnostic de visu est très délicat car, sauf exception, les symptômes qu'elles provoquent sont des décolorations, des jaunissements des feuilles plus ou moins intenses, très difficiles à apprécier par un non spécialiste.

Dans la majorité des cas, on a affaire à des carences induites (éléments présents mais non disponibles), ce qui ne facilite pas leur diagnostic. En plus de la détermination de la nature de la carence, il faut aussi rechercher la ou les causes. Ces dernières peuvent être diverses, par exemple une irrigation mal conduite (trop ou pas assez d'eau), une température ou un pH du sol trop bas ou trop élevé, des systèmes racinaires en mauvais état, etc.

Lorsque vous êtes confrontés à ce type de symptômes, il ne faut pas conclure trop hâtivement à une quelconque carence sans en avoir parlé à votre technicien et consulté un spécialiste et aussi avoir effectué les analyses physiques et chimiques du sol et de la végétation qui s'imposent.

Les carences surviennent tout particulièrement dans les cultures fertilisées empiriquement, en absence d'analyse de sol
.

 

Symptômes apparaissant sur les feuilles basses

Certaines carences provoquent des symptômes se manifestant d'abord sur les feuilles basses de la plante, et se généralisant ensuite plus ou moins à l'ensemble des feuilles. Dans ce cas, deux principaux symptômes sont observés :

une marbrure ou chlorose diffuse plutôt localisée aux feuilles basses, accompagnée ou non de taches nécrotiques et/ou de légers dessèchements ;

Carences incriminables

- carence en potassium (K) : la chlorose est plus ou moins marquée à l'extrémité du limbe et parfois à la périphérie, elle est accompagnée de taches nécrotiques. Les feuilles basses sont incurvées vers la face inférieure du limbe (figures 3 et 7). La régulation osmotique de la plante et l'équilibre ionique des cellules (pH) et donc l'ouverture des stomates, l'activation de nombreuses enzymes ainsi que la diminution de l'épaisseur des parois et la résistance aux stress et aux maladies sont les principales fonctions physiologiques perturbées ;
- carence en magnésium (Mg) : la chlorose internervaire débute par la périphérie du limbe, pouvant entraîner en fin d'évolution le blanchiment des feuilles, tandis que les nervures ont tendance à conserver leur coloration verte. Il n'y a pas de taches nécrotiques (figures 8 à 11). Le magnésium est un composant majeur de la chlorophylle et est aussi cofacteur de nombreuses enzymes.

un jaunissement plutôt généralisé à toute la plante, accompagné du dessèchement des feuilles basses ;

Carences incriminables

- carence en azote (N) : les feuilles sont vert pâle, les plus anciennes jaunissent et ont tendance à se nécroser et à se dessécher. Les plantes sont peu vigoureuses. C'est la synthèse des protéines qui est la plus affectée (l'azote entrant dans la composition des acides aminés) mais aussi les acides nucléiques, ce qui affecte grandement toutes les fonctions métaboliques ;
- carence en phosphore (P) : les feuilles sont vert sombre, les plus basses jaunissent et se dessèchent (figures 12 à 14). Certaines d'entre elles peuvent être plus étroites. Le phosphore entre dans la composition des transporteurs d'énergie indispensables au le métabolisme de la plante, ainsi que dans les phospholipides membranaires.

 

Symptômes apparaissant sur les jeunes feuilles

Les symptômes de plusieurs carences apparaissent plutôt sur l'apex et les jeunes feuilles ; dans cette situation ont peut observer :

une déformation et la nécrose de l'extrémité ou de la base des jeunes feuilles, avec dépérissement du bourgeon terminal ;

Carences incriminables
- carence en calcium (Ca) : les feuilles de l'apex sont vert clair, ternes, et ont tendance à s'incurver vers le bas et à se nécroser (figures 15 à 17). Le calcium est un constituant majeur de la paroi cellulaire sous la forme de pectate et d'oxalate, il est donc impliqué dans l'élongation et la division cellulaire, la stabilité structurale des tissus ainsi que dans la régulation des échanges membranaires ;
- carence en bore (Bo) : les jeunes feuilles sont déformées. Le limbe à la base de la feuille prend une coloration vert clair et peut se décomposer ultérieurement. Les feuilles présentent des déformations importantes et le bourgeon terminal peut mourir ou rester bloqué (figures 18 et 22). Le bore est impliqué dans l'utilisation du calcium. Cet oligoélément est un cofacteur de la synthèse des acides nucléiques et intervient dans l'intégrité des membranes.

la chlorose des jeunes feuilles de l'apex accompagnée ou non de taches nécrotiques et d'une modification de la coloration des nervures, le bourgeon terminal restant vivant ;

Carences incriminables
- carence en manganèse (Mn) : des jeunes feuilles chlorotiques parsemées de taches nécrotiques, des nervures restant vertes sont les symptômes les plus caractéristiques. Le manganèse est un activateur de certaines enzymes et est nécessaire à l'intégrité de la membrane des chloroplastes. Il intervient dans la libération de l'oxygène lors de la photosynthèse ;
- carence en soufre (S) : les jeunes feuilles sont vert pâle et leurs nervures montrent une coloration guère différente. La tige peut être courte et fine. Le soufre entre dans la composition de deux acides aminés constituants indispensables des protéines, ainsi que dans le coenzyme A, élément majeur du cycle de Krebs ;
- carence en fer (Fe) : cette carence se manifeste par une chlorose des jeunes feuilles dont les nervures principales restent vertes et contrastent avec les tissus internervaires. Par la suite, l'ensemble du limbe peut se décolorer. Le fer est essentiel dans la synthèse de la chlorophylle. C'est un composant des cytochromes transporteurs d'électrons dans la chaîne respiratoire.

Dernière modification : 14/04/2017
  • Auteur :
  • D Blancard (INRAe)
tabac_carencemg
Figure 1
tabac_carencek
Figure 2
tabac215
Figure 3
carencek_feuille
Figure 4
Carence-Potassium1
Figure 5
Carence-Potassium2
Figure 6
Carence-Potassium3
Figure 7
Carence-Mag3
Figure 8
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Figure 9
Carence-Mag1
Figure 10
Carence-Mag2
Figure 11
tabac_carencepburley
Figure 12
Carence-Phosphore1
Figure 13
Carence-Phosphore2
Figure 14
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Figure 15
Carence-Ca1
Figure 16
Carence-Ca2
Figure 17
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Figure 18
tabac082
Figure 19
Carence-Bo1
Figure 20
Carence-Bo2
Figure 21
Carence-Bo3
Figure 22