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Biologie, épidémiologie

  • Conservation, sources d'inoculum

Le mode de conservation des souches tomate de Phytophthora infestans est parfois difficilement compréhensible, en particulier dans les pays où l'hiver est gélif. Il semble pouvoir se conserver sous différentes formes en fonction des zones de production :
- par l'intermédiaire d'oospores issues de la reproduction sexuée ; celles-ci se forment dans les tissus malades nécrosés et se retrouvent ultérieurement dans le sol, en même temps que les débris végétaux (figures 1 et 2). Comme nous l'avons précisé précédemment, depuis maintenant plus d'une dizaine d'années, de nouvelles souches des deux types sexuels A1 et A2 sont détectés assez couramment dans plusieurs pays d'Amérique du Nord et d'Europe, comme en France sur pomme de terre et tomate. Le type A2 est bien représenté sur cette dernière plante, plus que sur pomme de terre. Ainsi, P. infestans doit pouvoir maintenant accomplir son cycle sexuel complet sur tomate et former des oospores capables de se conserver dans le sol plusieurs mois, voire plusieurs années. Notons que ces organes de conservation peuvent être observés sur les folioles, les fruits, et ponctuellement sur les semences. De plus, cette reproduction sexuée peut être à l'origine de nouveaux génotypes possédant des propriétés biologiques nouvelles pouvant remettre en cause l'efficacité des luttes, notamment chimiques et génétiques ;
- sous la forme de mycélium à l'intérieur de tubercules de pomme de terre malades restant dans le sol. Lorsque les tubercules contaminés germent, ils donnent naissance à des pousses contaminées sur lesquelles se forment rapidement des fructifications. L'importance de cet inoculum est difficile à estimer. En effet, les souches de P. infestans isolées sur tomate en France sont assez différentes de celles rencontrées sur pomme de terre, confirmant une spécialisation parasitaire des souches. Les souches tomate semblent plus diversifiées et sont capables d'infecter aussi la pomme de terre. On ne peut donc pas exclure la possibilité, même limitée, pour le parasite de changer d'hôte surtout dans les zones de production où la tomate et la pomme de terre cohabitent ;


- sur divers autres hôtes alternatifs, des plantes cultivées ou sauvages environnantes, sur lesquelles ce chromiste sporule plus ou moins : de nombreux Solanum (aubergine, piment rouge, pomme de terre, pépino, morelle noire, Solanum incanum, S. indicum), Datura stramonium, D. metel, plusieurs espèces d'Hypomea, Lycium hamilifolium, Nicotiana glauca, Petunia sp. et Physalis angulata, sur myrtille (au Cameroun). Sur ces hôtes, P. infestans produit des fructifications constituées de long sporangiophores portant des sporanges. Les zoospores issues de ces derniers assurent souvent les contaminations primaires chez la tomate. Par ailleurs, la présence de cultures de tomate pratiquement toute l'année dans certaines zones de production permet au chromiste de s'y maintenir aisément d'une année à l'autre. Les repousses, les semis naturels assurent aussi la survie de P. infestans.

  • Pénétration et invasion

Comme nous l'avons signalé précédemment, une fois sur le limbe, les sporanges libèrent des zoospores flagellées. La température optimale de leur libération est de l'ordre de 13°C. Ces zoospores, une fois fixées, émettent un tube germinatif qui pénètre dans le limbe surtout via les stomates mais aussi, parfois, directement au travers de la cuticule et des cellules épidermiques. Les sporanges peuvent aussi donner directement naissance à un filament germinatif. L'infection se réaliserait en 3 à 4 heures. Les tissus foliaires sont par la suite rapidement envahis par le mycélium non cloisonné (la température optimale de croissance est de 23°C) dont l'activité désorganise progressivement les tissus colonisés.

Si les conditions climatiques sont favorables, les premières taches apparaissent entre 4 et 7 jours après les premières contaminations.

  • Sporulation et dissémination

Une fois installé dans l'hôte, P. infestans émet des sporangiophores par les stomates (figure 3), parfois directement au travers de l'épiderme. Ces organes produisent de nombreux sporanges citriformes, plusieurs milliers par taches (24 000/cm²). Cette étape nécessite la présence d'une forte humidité (des humidités relatives égales ou supérieures à 90 %) et des températures comprises entre 3 et 26°C. Les sporanges sont aisément entraînés par le vent et la pluie, parfois sur de longues distances (plusieurs centaines de mètres) et gagnent de nouvelles plantes encore saines, assurant des contaminations secondaires. Les zoospores peuvent aussi assumer la même fonction, mais plus localement et essentiellement dans la phase aqueuse.

La dissémination de la maladie s'effectue parfois par l'intermédiaire de plants contaminés. Dans certains pays, des agriculteurs se sont spécialisés dans la production en grande quantité de plants qu'ils commercialisent dans différentes zones de production du monde. Les contaminations des plants passent parfois inaperçues ; ils sont alors expédiés malades chez des producteurs éloignés, contribuant ainsi à la dissémination du pathogène et au développement précoce de la maladie dans les cultures. Si la contamination des semences par les oospores se confirme sur le terrain, elles pourraient assurer une dispersion de la maladie sur de longues distances.

  • Conditions favorables à son développement 

Ce chromiste est extrêmement influencé par les conditions climatiques. Il se développe plus ou moins bien à des températures comprises entre 3 et plus de 25°C. Sa sporulation est optimale entre 16 et 22°C. Il lui faut impérativement des humidités relatives élevées, supérieures à 90 %. Des nuits froides et des journées modérément chaudes, avec une forte humidité, favorisent son extension. En revanche, une atmosphère sèche et des températures proches de 30°C l'inhibent. Les périodes pluvieuses, les irrigations par aspersion, les rosées, sont aussi très favorables aux épidémies de mildiou. Il suffit de 2 heures de présence d'eau sur les feuilles pour amorcer une infection. La production de sporanges est importante à 18°C, elle est nulle à 28°C. Les oospores se forment en quantité entre 8 et 15°C ; leur production nécessite la présence d'humidité et d'hygrométries élevées en permanence.

Dernière modification : 30/11/2023
  • Auteur :
  • D Blancard (INRAe)
Phytoph_tomate6
Figure 1
Phytoph_tomate7
Figure 2
Phytoph_tomate5
Figure 3
Mildiou-Tomate-WATT1
Figure 4