Méthodes de protection
- En cours de culture
Aucune méthode de lutte n’est réellement efficace en cours de culture sur tomate.
Si des attaques surviennent en pépinière, les plants affectés doivent être impérativement éliminés. Dans le cas contraire, leur plantation au champ contribuera à assurer la dissémination des nématodes et la contamination de sols sains.
En cours de culture, afin de pallier le dysfonctionnement partiel des systèmes racinaires parasités par de nombreuses galles, un buttage des plantes peut être réalisé. Cela favorisera le développement de racines adventives qui prendront momentanément le relai.
Des bassinages seront réalisés aux périodes les plus chaudes de la journée afin de prévenir, voire réduire, les flétrissements.
En plein champ, il est impératif que les systèmes racinaires des plantes attaquées soient enlevés de la parcelle et détruits afin d’éviter d’enrichir le sol en nématodes. Si cette dernière mesure n’est pas envisageable, les racines seront mises à l’air libre afin qu’elles subissent les effets du soleil. De la même manière, plusieurs travaux successifs du sol effectués durant l’été contribueront à exposer les nématodes à la chaleur et à les tuer.
Signalons que le compostage, qui permet de se débarrasser d’éventuelles bioagresseurs aériens présents sur les fruits, les feuilles et les tiges, n’est pas aussi performant sur les racines. En effet, cette méthode ne permet pas d’éliminer totalement les nématodes présents sur ces dernières.
- Culture suivante
Pour être efficace, la lutte contre les nématodes à galles devra faire intervenir, d’une façon complémentaire, l’ensemble des méthodes de lutte proposées précédemment et par la suite. Une analyse nématologique sera réalisée avant la culture suivante afin d’évaluer les niveaux des populations du sol et ainsi de pouvoir choisir, en connaissance de cause, des mesures proportionnées aux risques encourus.
Les nématodes étant des bioagresseurs telluriques, les différentes mesures préconisées pour les contrôler viseront à limiter, voire réduire, les niveaux de population du sol.
Ainsi, des rotations culturales et certaines cultures de couverture sont fréquemment conseillées pour retarder l’apparition des nématodes ou gérer les niveaux de population dans le sol. Les rotations ne sont pas toujours faciles à mettre en œuvre, en particulier pour certains nématodes polyphages comme les Meloidogyne spp. ou les Pratylenchus spp. En effet, il n’est pas toujours facile de trouver des plantes non hôtes pouvant entrer dans les rotations. Pour être efficaces, ces dernières devront durer au moins quatre années. Plusieurs plantes cultivées ou de couverture sont signalées pour être, à des degrés divers, moins propices au développement des Meloidogyne spp. : le soja, l’oignon, l’ail, le maïs, les céréales d’hiver, l’arachide, la roquette, Paspalum notatum, Cynodon dactylon, Eragrostis curvula, Chloris gayana, Digitaria decumbens, Panicum maximum, Crotalaria spp., Mucuna pruriens, le sésame, des génotypes résistants aux nématodes de Vigna unguiculata… En Martinique, de courtes rotations avec la légumineuse fourragère Mucuna pruriens ont permis de réduire les niveaux des populations de M. incognita et de Rotylenchulus reniformis dans le sol. La jachère est parfois préconisée, mais elle pose des problèmes d’érosion. Il conviendra dans ce cas de travailler superficiellement le sol à plusieurs reprises durant l’année.
Les nématodes sont parfois combattus en immergeant durant 7 à 9 mois les futures parcelles déjà contaminées. Cette immersion peut être continue ou entrecoupée de périodes d’assèchement du sol. Dans ces conditions, ce dernier s’appauvrit en oxygène et accumule des substances toxiques pour les nématodes comme des acides organiques, du méthane… Cette méthode n’est efficace que si elle est réalisée à une période chaude de l’année, et comporte le risque de disséminer en même temps les nématodes. Les mauvaises herbes seront détruites au fur et à mesure en travaillant superficiellement le sol à intervalles réguliers.
Plusieurs labours, des plantations précoces et sur buttes sont parfois préconisés pour limiter les effets des nématodes. Il en est de même de l’utilisation de grosses mottes pour réaliser les plants ; elles permettent notamment de retarder les infestations. Signalons que les outils servant au travail du sol de parcelles contaminées devront être bien nettoyés avant d’être employés dans des parcelles saines. Il en sera de même pour les roues des tracteurs. Un rinçage soigneux à l’eau de ce matériel suffira souvent à le débarrasser de la terre et des nématodes le contaminant.
L’enfouissement au sol de certains composts ou d’engrais verts juste avant la mise en place d’une culture de tomate pourra aussi contribuer à limiter les dégâts des nématodes. À titre d’exemple, le compost à base de pulpe de café réduirait le nombre de galles et les masses d’œufs de M. incognita. Il en est de même pour les tourteaux à base d’Azadirachta indica, Chrysanthemum coronarium, Ricinus communis, Sorghum sudanense, de seigle et d’avoine. L’apport de matière organique au sol (composts, fumiers) permet d’en augmenter la capacité en eau, ce qui favoriserait certains micro-organismes entrant en compétition avec les nématodes.
Signalons que l’apport de chitine au sol présenterait une certaine efficacité contre M. hapla.
Par ailleurs, les mauvaises herbes devront être parfaitement contrôlées dans les futures parcelles car un certain nombre d’entre elles sont susceptibles d’héberger et de multiplier les nématodes. Il conviendra de parfaitement maîtriser la fertilisation des plantes ainsi que leur irrigation.
Il sera primordial d’obtenir des plants sains. On les produira de préférence sur des tablettes et dans un substrat désinfecté. Ils pourront être posés sur le sol à condition que ce dernier soit couvert d’un paillage plastique propre et non déchiré. Si vous avez le moindre doute sur la qualité du sol de votre pépinière, vous devrez procéder à sa désinfection. Dans les zones de production extensive, les pépinières ne seront pas réalisées sur des parcelles ayant accueilli des plantes sensibles.
Plusieurs produits nématicides* ont été et sont encore employés pour détruire les nématodes dans les sols (e-Phy). Leur choix dépendra de la législation sur les pesticides en vigueur dans votre pays et des moyens financiers dont vous disposez pour réaliser cette désinfection. L’utilisation de ces produits comporte plusieurs inconvénients : bon nombre d’entre eux sont toxiques pour l’homme et l’environnement, ils sont peu ou pas spécifiques et bouleversent les équilibres biologiques du sol et il sont coûteux et demandent parfois du matériel spécifique. Dans certains pays, ils sont utilisés en dernier recours, lorsque les autres méthodes proposées ne suffisent plus à limiter efficacement les dégâts des nématodes.
Dans les pays où l’ensoleillement est important, une désinfection du sol par solarisation pourra être envisagée, notamment pour assainir à un moindre coût les parcelles. Cette technique consiste à recouvrir le sol à désinfecter, qui aura été au préalable bien préparé et bien humidifié, avec un film de polyéthylène de 35 à 50 µm d’épaisseur. Ce dernier sera maintenu en place de 4 à 8 semaines lors d’une période très ensoleillée de l’année. Il permet d’augmenter la température du sol et de favoriser l’activité d’antagonismes microbiens. Cela contribue à réduire le taux d’inoculum dans le sol de nombreux micro-organismes phytopathogènes, et notamment de certains nématodes. Bon nombre d’entre eux sont éliminés à des températures comprises entre 44 et 48°C. L’utilisation de nématicides et de composts est parfois associée à la solarisation pour augmenter son efficacité, notamment sur les Meloidogyne spp.
Quelque soit la méthode utilisée pour désinfecter le sol, il est souvent préconisé de la mettre en œuvre après la récolte, de nombreux nématodes étant encore présents dans les horizons superficiels. De plus, il ne sera pas souhaitable de travailler trop profondément le sol après la désinfection, au risque de faire remonter du sol non désinfecté.
Des variétés résistantes sont actuellement disponibles. La résistance aux Meloidogyne spp. provient de l’espèce sauvage Lycopersicon peruvianum. Elle est conférée par un seul gène dominant nommé « Mi » (maintenant nommé « Mi-1 ») et se traduit par une réaction d’hypersensibilité cellulaire au niveau du site de pénétration des nématodes : les larves ne peuvent plus se fixer à la racine et terminer leur cycle. Ce gène, localisé sur le chromosome 6, permet de contrôler 3 espèces parmi les plus fréquentes : M. incognita, M. arenaria et M. javanica. Malheureusement, cette résistance n’est pas efficace à l’égard de M. hapla, qui voit toutefois son taux de reproduction amoindri sur les plantes possédant le gène « Mi ». Elle ne l’est pas non plus à l’égard de M. mayaguensis.
Des biotypes virulents à l’égard du gène « Mi » des 3 espèces concernées par la résistance ont été décrits dans de nombreuses régions de production : Californie, Japon, Maroc, Espagne, Grèce, France…). Il convient de signaler que ces populations virulentes sont parfois séparées en deux groupes :
– les populations virulentes sélectionnées, provenant de parcelles où des variétés résistantes ont été cultivées à plusieurs reprises. La virulence serait acquise progressivement et stable ; elle impliquerait plusieurs gènes chez ces nématodes ;
– les populations virulentes naturelles (dénommées « races B »), pas récemment confrontées à des variétés résistantes.
Il a été suggéré que le mécanisme génétique de la virulence des premières populations serait identique chez les 3 espèces de Meloidogyne, mais différent des populations virulentes naturelles.
À titre d’exemple, signalons que des races capables de contourner le gène « Mi » ont été mises en évidence dans plusieurs pays d’Europe et du Bassin méditerranéen : chez M. javanica en Espagne, en Grèce, en Crête, à Chypre, au Maroc, en Tunisie, etc., et chez M. incognita en France, en Grèce…. Signalons aussi que des races B de M. incognita ont été décrites en Côte-d’Ivoire, et de M. arenaria au Sénégal.
Malgré cela, le gène « Mi », utilisé depuis plus d’une cinquantaine d’années, est encore efficace dans de nombreux contextes agronomiques. Notons que la reproduction de M. incognita sur des génotypes possédant « Mi » à l’état hétérozygote serait plus importante que sur des génotype disposant de ce gène à l’état homozygote ; cela pourrait avoir des conséquences sur la durabilité de la résistance conférée par ce gène. De plus, des niveaux différents d’efficacité ont été signalé ponctuellement entre des parents résistants et leurs hybrides, probablement dus à un transfert incomplet du gène « Mi » lors du croisement. Enfin, ajoutons que cette résistance peut aussi être surmontée en présence de températures élevées, de l’ordre de 28°C et plus.
Ces différentes constatations suggèrent au moins deux conseils :
– on évitera de cultiver une variété résistante ou un porte-greffe sur le même terrain plusieurs années car des risques d’adaptation de ces nématodes existent ;
– si une perte d’efficacité de résistance aux nématodes est constatée, il y aura lieu de faire le point avec votre technicien afin de savoir si vous avez affaire à une souche capable de contourner cette résistance, à une espèce comme M. hapla non concernée par cette dernière ou à des baisses d’efficacité liées par exemple à des températures élevées.
L’émergence de souches virulentes et les limites de la résistance conférée par « Mi » aux hautes températures ont justifié de rechercher d’autres résistances aux nématodes à galles. Ainsi, 7 gènes de résistance aux Meloidogyne spp., désignés « Mi-2 » à « Mi-8 », ont été identifiés chez des accessions de Lycopersicon peruvianum et un chez L. chilense. Ils confèrent des résistances différentes de celle conférée par le gène « Mi ». Certains sont efficaces à l’égard de M. hapla et/ou sont encore fonctionnels à 33°C. Ainsi, « Mi-2 » et « Mi-6 » confèreraient une résistance à M. incognita à 32°C, « Mi-3 » aux isolats virulents de cette dernière espèce, « Mi-4 » et « Mi-5 » à M. incognita et à M. javanica à 32°C, « Mi-7 » aux isolats virulents de M. incognita à 25°C comme « Mi-8 ». Une résistance à M. hapla, stable à la chaleur, a été observée à la fois chez une accession de L. peruvianum, mais aussi chez L. chilense.
Le croisement entre L. esculentum et L. peruvianum étant difficile, l’avenir de ces gènes reste incertain.
Par ailleurs, un certain nombre de plantes pièges à nématodes et nématicides existent, comme par exemple des Tagetes spp. (T. erecta, T. patula…) qui sont tout de même hôtes notamment de M. hapla. Ces plantes sont encore peu utilisées dans le cadre de rotations avec la tomate.
Un certain nombre de micro-organismes prédateurs, parasites, nématicides des nématodes à galles ont été expérimentés sur diverses plantes : des champignons comme Arthrobotrys irregularis, A. dactyloides, A. conoides, Glomus fasciculatum, Hirsutella minnesotensis, Paecilomyces marquandii ou P. lilacinus, mais aussi des bactéries comme Bacillus penetrans, B. thuringiensis ou encore Streptomyces costaricains… Par exemple, Verticillium chlamydosporium infecte le second stade larvaire et les œufs de M. hapla.
Enfin, plusieurs extraits de plantes (feuilles ou racines) perturberaient le développement des nématodes notamment à galles : Azadirachta indica, Chromolaena odorata, Deris elliptica, Euphorbia antiquorum, Inula viscosa, Peganum harmala, Ruta graveolens, Senecio cineraria, Swietenia mahagoni…
* Lutte chimique : Le nombre de pesticides disponibles pour un usage donné évoluant en permanence, nous vous conseillons de toujours confirmer votre choix en consultant le site e-phy du ministère de l’agriculture et de la pêche qui est un catalogue en ligne des produits phytopharmaceutiques et de leurs usages, des matières fertilisantes et des supports de culture homologués en France. Cette remarque est également valable pour tous les produits biologiques à base de micro-organismes ou de substances naturelles.