• Importance économique et agronomique

 

Les hyménoptères d'importance agronomique sont assez peu nombreux (99 en France) au regard du nombre d'espèces que compte cet ordre. Selon notre classification (cf. chapitre «Généralités»), ce sont, très majoritairement, des ravageurs secondaires.
En France, le sous-ordre des symphytes (tenthrèdes) compte 56 espèces nuisibles ou potentiellement préjudiciables (7), appartenant à 8 des 12 familles françaises (Argidae, Cephidae, Cimbicidae, Diprionidae, Pamphilidae, Siricidae, Tenthredinidae et Xiphydriidae). La plupart de ces insectes sont des ravageurs d'arbres ou d'arbustes feuillus (appartenant principalement aux Salicaceae, Rosaceae, Betulaceae et Fagaceae).

Les conifères sont plus spécifiquement attaqués par les Diprionidae les Siricidae et par quelques Pamphilidae. Cependant certaines espèces sont oligophages ou monophages sur Poaceae (des Cephidae des genres Cephus, Trachelus et des Tenthredinidae du genre Dolerus) ou sur des plantes maraichères ou ornementales.

1- Les larves des symphytes font des déprédations qui s'apparentent beaucoup à celles des lépidoptères. On distingue : 

  • les défoliateurs : ce sont les plus nombreux, ils représentent 80% des symphytes nuisibles et appartiennent aux familles des Argidae, Cimbicidae, Diprionidae, Pamphilidae et Tenthredinidae. Excepté 4 espèces polyphages, toutes sont oligophages ou monophages. En cas d'attaque, il est fréquent que le limbe des feuilles soit totalement mangé et qu'il ne subsiste que les nervures. (cas des saules, rosiers et groseilliers). Parfois, seule la face inférieure des feuilles (ex. Nematus salicis (Linnaeus)), ou la face supérieure (ex. Caliroa cerasi (Linnaeus)) est consommée (décapée). La plupart des larves de Pamphilidae nuisibles appelés communément Lydes ou Lyda (genres Acantholyda, Cephalcia, Neurotoma) vivent isolées ou en groupe dans des toiles ou des fourreaux confectionnés de feuilles enroulées. Les dommages causés se traduisent par une défoliation parfois sévère (cas des Diprionidae sur pins), une perturbation de l'activité photosynthétique, une diminution de la croissance et, dans les cas les plus graves, des dépérissements de jeunes plants.
  • les mineurs de feuilles : 5 espèces de Tenthredinidae nuisibles (ex. genres Fenusa, Heterarthrus) appartiennent à cette catégorie. Elles sont monophages et se développent uniquement sur des végétaux ligneux tels que Acer, Alnus, Betula, Populus et Ulmus. Leurs larves évoluent en creusant des mines ou galeries dans le mésophylle de la feuille. Ces mines sont souvent caractéristiques de chaque espèce. Sur les arbres ou arbustes, les dégâts sont parfois spectaculaires car très visibles, mais les conséquences agronomiques ou économiques sont variables selon la nature des végétaux, leur valeur marchande et leur situation (parcs, espaces verts, plantes de pépinière). 
  • les enrouleurs de feuilles : seule l'espèce Blennocampa phyllocolpa Viitasaari & Vikberg (8), la tenthrède rouleuse des feuilles de rosier, peut être considérée comme d'intérêt agronomique. La larve s'abrite dans la feuille qu'elle enroule et qu'elle consomme au fur et à mesure de sa croissance. On assiste parfois à des attaques sévères de cette espèce. Certaines larves de Pamphilidae enroulent partiellement ou entièrement les feuilles des bouleaux ou des peupliers mais sans jamais provoquer de dégâts notables. 
  • les gallicoles : seuls quelques genres de symphytes, de la sous-famille des Nematinae sont cécidogènes sur feuilles. Les galles induites par Pontania proxima (Audinet-Serville), sur saules, sont parmi les plus communes. Les dégâts de ces insectes sont souvent insignifiants et sans conséquences agronomiques mais peuvent déprécier visuellement les végétaux.
  • les foreurs de tiges ou de pousses : 4 espèces de Cephidae peuvent être nuisibles (Cephus pygmaeus (Linnaeus) et Trachelus tabidus (Fabricius) sur céréales à paille ; Janus compressus (Fabricius) sur poirier et Janus luteipes (Lepeletier) sur peuplier). Signalons également les 5 espèces suivantes de Tenthredinidae : Allantus cinctus (Linnaeus), A. viennensis (Schrank), Ardis sulcata (Cameron), Cladardis elongatula (Klug) qui exploitent les tiges ou les pousses de rosier ou de fraisier et Dolerus haematodes (Schrank) mineuse de tige de céréales. Les dégâts des foreurs de tiges ou de pousses se manifestent surtout par des retards de croissance des dépérissements, des courbures, des jaunissements ou des noircissements des parties terminales. Il arrive fréquemment que les plantes attaquées (céréales) se cassent ou versent, en particulier sous l'action du vent. Les dégâts sont souvent localisés et sporadiques.


Note : Les larves de plusieurs espèces de symphytes (ex. genres, Ametastegia, Allantus) utilisent des coursons de vigne et des pousses fraichement taillées (ex. rosiers) comme abri et support de nymphose. La larve pénètre dans le sarment ou la pousse par la plaie de taille, creuse une galerie dans la moelle et s'aménage une logette de nymphose. La présence de la galerie provoque parfois le dessèchement du bourgeon terminal mais à l'exception de boutures ou de jeunes plantations, les dommages sont insignifiants. Il est important de signaler que le sarment ou la pousse ne servent pas de nourriture à la larve. Ces insectes ne sont pas, à proprement parlé, des ravageurs et la plupart d'entre eux se développent aux dépens de plantes non cultivées.

  • les consommateurs de fruits : 5 espèces de Tenthredinidae du genre Hoplocampa (hoplocampes) sont nuisibles aux cultures fruitières dans l'Hexagone. Ces insectes bien connus en tant que ravageurs, pondent dans les fleurs et dès leurs éclosions, les larves pénètrent dans les fruits (pommes, poires et prunes essentiellement). Les dégâts de ces insectes peuvent être très importants ; selon les espèces on assiste à une chute prématurée des fruits ou à une dépréciation considérable de ces derniers du fait des galeries internes et, sur pommes, de la présence de formations liégeuses cuticulaires.
  • les xylophages : chez les symphytes, ils appartiennent aux familles des Siricidae, et des Xiphydriidae ; 5 espèces sont nuisibles ou potentiellement nuisibles, encore que ces insectes ne pondent et ne vivent généralement que dans des arbres affaiblis ou franchement coupés. Les Siricidae se développent exclusivement dans les conifères (pins, épicéas, sapins, mélèzes), Urocerus gigas (Linnaeus) et Sirex noctilio Fabricius étant les plus communs. Les Xiphydriidae (Xiphydria camellus (Linnaeus) et X. prolongata (Geoffroy)) sont polyphages sur aulnes, bouleaux, peupliers, saules, platanes, chênes, érables et ormes. Dans la littérature il est fait mention de dégâts de ces 2 dernières espèces mais il semble que ceux-ci aient été exagérés. Les larves de ces insectes xylophages creusent des galeries dans les arbres et elles peuvent poursuivre leur développement dans des bois d'oeuvre (bois de charpentes, poteaux télégraphiques, etc), c'est surtout à ce titre qu'elles sont nuisibles.


2- Le sous-ordre des apocrites compte, 43 espèces françaises nuisibles dont 20 responsables de nuisances commoditaires, ou du moins non liées à la prise directe de nourriture. Dans ce sous-ordre les espèces réellement phytophages sont essentiellement gallicoles ou mangeuses de graines et de fruits.
- Les espèces gallicoles (12 espèces) :
* 8 Cynipidae des genres Andricus, Biorhiza, Diastrophus, Diplolepis, Dryocosmus (9) et Iraella), vivent aux dépens de diverses plantes appartenant aux genres Quercus, Rubus, Rosa, Papaver et Castanea (8). En fonction des espèces de cynips, les galles se localisent sur les feuilles, les rameaux, les tiges ou les fruits.
* Parmi les Eulophidae (cette famille comprend essentiellement des parasitoïdes), en France, seulement 2 espèces Leptocybe invasa (Lasalle) et Ophelimus maskelli (Hashmead) sont nuisibles. Ces espèces, originaires du continent australien, ont été introduites en 2004/2005. Elles
provoquent des galles sur les feuilles, les pétioles ou les tiges d'eucalyptus, ce qui entraîne la chute prématurée des feuilles et la dépréciation des jeunes sujets.
* 2 espèces d'Eurytomidae (famille majoritairement phytophage) font des galles sur les tiges de Poaceae cultivées (ex. blé, orge) ou sauvages. Il s'agit de Tetramesa hordei (Harris) et de T. hyalipennis (Walker). Leur incidence agronomique est très faible et leurs dégâts passent généralement inaperçus.
- Les espèces mangeuses de graines ou de fruits : 12 espèces sont d'intérêt agronomique en France, elles appartiennent à 3 familles : Eurytomidae, Torymidae et Formicidae.
* 3 espèces d'Eurytomidae, dont 2 Bruchophagus nuisent au graines de Fabaceae (ex. luzerne, trèfle) mais c'est surtout l'espèce Eurytoma amygdali Enderlein, qui depuis une quinzaine d'années, provoque des dégâts importants sur la production d'amande française.
* 8 espèces de Torymidae (famille qui comprend aussi bien des espèces phytophages que parasites) appartenant toutes au genre Megastigmus, consomment les graines de conifères (ex. sapins, cyprès, mélèzes genévriers).
* 1 seule espèce de fourmi Messor barbarus (Linnaeus) (fourmi moissonneuse) est strictement granivore et nuisible en France. Les adultes peuvent désorganiser et détruire totalement des semis en emportant les graines nouvellement semées dans leurs nids.

2- Dans le sous-ordre des apocrites une vingtaine d'espèces, dont une douzaine de fourmis (Formicidae) sont connues pour faire des dégâts ou occasionner des nuisances de diverses natures, ceux-ci non liés à la prise directe de nourriture. Ces hyménoptères appartiennent essentiellement à 4 familles : Formicidae, Apidae, Megachilidae et Vespidae.
* Des fourmis des genres Camponotus, Crematogaster, Lasius, Linepithema, Monomorium et Myrmica provoquent diverses nuisances, surtout au sud de notre pays :
- elles peuvent envahir nos bâtiments, maisons, restaurants et même hôpitaux, souvent pour y construire leurs nids tout en endommageant des boiseries ou autres structures naturelles ou artificielles et divers produits (ex. tissus, revêtements de fils électriques). Parfois elles recherchent aussi, dans ces lieux, leur nourriture (cas de la fourmi pharaon Monomorium pharaonis (Linnaeus) et de la fourmi d'Argentine Linepithema humile (Mayr)).
- elles peuvent coloniser des espaces tels que les parcs, jardins, pelouses et plates-bandes, afin d'y établir leurs nids dans le sol, ce qui peut affecter le système racinaire des plantes, tout en causant des nuisances au public fréquentant ces lieux.
* Parmi les Apidae seuls des Andrena sp, dont A. fulva (Müller) et Xylocopa violacea (Linnaeus) peuvent être indirectement à l'origine de nuisances. La première est une abeille solitaire terrassière qui creuse son nid dans la terre dénudée. Lorsque ses populations sont importantes, elle peut causer des dégâts dans des pelouses non établies, les plantes bandes ou les rocailles.
* Le Megachilidae Megachile centuncularis (Linnaeus) ou mégachile du rosier découpe les feuilles en larges demi-cercle puis les utilise pour construire son nid. Ces déprédations, parfois spectaculaires, peuvent causer un préjudice esthétique, sans réelles conséquences pour la plante.
* Plusieurs espèces de Vespidae (guêpes, frelons, polistes) (genres Dolichovespula, Polistes, Vespa et Vespula) sont susceptibles de provoquer 2 types de dégâts :
- des dommages commoditaires : ces insectes sont piqueurs, leurs piqûres sont souvent douloureuses et peuvent parfois être à l'origine de complications (chocs neurotoxique ou anaphylactique, allergie) et même quelques cas de décès par des piqûres d'hyménoptères sont recensés chaque année en France. Quand les fruits ou les baies arrivent à maturité, les guêpes envahissent les plantations fruitières ou les vignobles, et peuvent devenir agressives, leur rayon d'action est de plusieurs centaines de mètres autour de leurs nids (guêpiers).
- les dommages aux fruits et aux baies : ces hyménoptères, habituellement très attirés par les substances sucrées, peuvent occasionner des morsures et des blessures sévères aux fruits et aux baies murs. Ces blessures sont ensuite exploitées par les drosophiles puis par certains champignons à l'origine de pourritures.

  • Intérêt écologique 

Les hyménoptères sont bien connus de tous, car ils font partie, au moins certains d'entre eux (abeilles, fourmis, guêpes), des rares insectes sociaux ou subsociaux ; les abeilles (plusieurs milliers d'espèces) comptent parmi les principaux agents de pollinisation et certaines produisent notre miel. Le rôle des hyménoptères en tant qu'auxiliaires, est considérable et cela concerne plusieurs dizaines de milliers d'espèces. Près de 50 familles d'hyménoptères sont parasitoïdes et on estime que 43% des insectes parasitoïdes appartiennent à l'ordre des hyménoptères. La plupart des parasitoïdes se rapportent aux térébrants. Les super-familles les plus nombreuses et importantes sont celles des Chalcidoidea (comprenant entre autres, les familles des Aphelinidae, Chalcididae, Encyrtidae, Eulophidae, Pteromalidae) et des Ichneumonoidea (avec les Braconidae ou les Ichneumonidae, qui comptent plus de 4.000 espèces en France).

Beaucoup d'hyménoptères adultes sont prédateurs (ex. les Vespidae). La quasi-totalité des insectes ravageurs des cultures sont parasités par une ou souvent par plusieurs espèces d'hyménoptères. Certains hyménoptères sont élevés et produits en masse en tant qu'agents de lutte biologique. Les hyménoptères prédateurs sont moins nombreux (Formicidae, Sphecidae, Pompilidae, Vespidae) et, selon les familles et genres, sont plus ou moins généralistes ou spécialistes.
Plus largement les hyménoptères jouent un rôle majeur dans la dynamique des populations d'insectes et d'autres arthropodes. Si l'on se limite seulement aux fourmis, celles-ci représentent 20% de la biomasse terrestre totale, plus que celle des vertébrés ; elles sont essentielles, au maintien des forêts en régions tropicales.

Dernière modification : 01/12/2023
  • Auteur :
  • M Martinez (INRA)
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Figure 1
JCS86_Xylocopa_02
Figure 2
JCS87_Urocerus_gigas_08b
Figure 3